Francesc Boix

«Quand l’armée américaine entra dans le camp de Mauthausen, le 5 mai 1945, des drapeaux républicains remplaçaient les drapeaux nazis et la porte du camp avait été couverte d’une immense pancarte sur laquelle on pouvait lire: “Les Espagnols antifascistes saluent les Forces de Libération”. (Wikipedia)

 

De ce camp d’extermination nazi, Francesc Boix i Campo, récemment mis à l’honneur par le film de Mar Targarona ‘Le Photographe de Mauthausen’ est sorti vivant. Il sera le seul espagnol à témoigner lors du procès de Nuremberg… Un témoignage capital.

l'histoire de francesc boix

Sa jeune histoire

Francesc Boix est né le 14 août 1920 dans le quartier ouvrier de Poble-sec à Barcelone, au pied du Montjuic. Photographe et républicain espagnol, il a 19 ans quand en 1939, le Général Franco et son armée prennent le pouvoir d’une Espagne à genoux après les 3 années de guerre civile. Comme d’autres milliers de Républicains, acculé, il prend le chemin de l’exil vers la France.

Mais le destin s’acharne et la seconde guerre mondiale éclate.

Pour éviter un rapatriement forcé vers l’Espagne, il s’engage dans le Vème régiment des Vosges…. Dans la nuit du 20 au 21 juin 1940, il est arrêté avec plus de 7 000 autres espagnols. Tous sont déportés vers le camp d’extermination de Mauthausen le 27 janvier 1941. Il avait 20 ans.

l'histoire de francesc boix

Le camp de la mort

A Mauthausen, Boix le photographe est affecté au service d’identification du camp. En effet, là, tous les prisonniers et tous les gardiens sont pris en photo: la photographie sert à documenter les activités du camp tout en enregistrant les caractéristiques physiques des individus qui y sont détenus. L’activité principale étant l’extermination des prisonniers par le travail forcé, inutile de vous décrire l’horreur des photographies prises…

Entre 1943 et la fin de la guerre, ordre est donné de détruire le fond photographique. Au risque de sa propre vie, Boix parvient à subtiliser près de 20 000 négatifs en les dissimulant dans le laboratoire. Les négatifs ont été ensuite transmis à Anna Pointer, une autrichienne qui s’était lié d’amitié avec certains prisonniers espagnols qui pouvaient sortir du camp. Elle parvint à les dissimuler et à les restituer à Boix après la libération du camp de concentration.

Un témoignage capital

Il témoigne le matin du 28 janvier 1946 au procès de Nuremberg.

[Le témoin, Boix, se lève.]
LE PRESIDENT: Quel est votre nom?
M. FRANCESC BOIX (témoin): Francesc Boix.
LE PRESIDENT: Etes-vous Français?
BOIX: Je suis un réfugié espagnol.
LE PRESIDENT: Voulez-vous répéter ce serment après moi : « je jure de m’exprimer sans haine ni peur, de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. » [Le témoin répète le serment en français.]
LE PRESIDENT: Levez votre main droite et dite, “Je le jure”.
BOIX: Je le jure.
LE PRESIDENT: Vous pouvez vous asseoir. […] Vous êtes né le 14 août 1920 à Barcelone?
BOIX: Oui.
LE PRESIDENT: Vous êtes photographe et vous avez été interné au camp de Mauthausen, depuis…
BOIX: Depuis le 27 janvier 1941.
LE PRESIDENT: Vous avez remis à la Commission un certain nombre de photographies ?
BOIX: Oui.

 

 

Au cours de sa déclaration, quelques photos sont produites qui montrent la réalité de Mauthausen et démontre l’implication de responsables nazis tels que Kaltenbrunner et Speer. Le témoignage et les preuves photographiques apportées par Francesc Boix sont capitaux : Kaltenbrunner est condamné à mort et Speer à la réclusion à perpétuité.

paris

Après 1945, Boix travaille comme journaliste dans la presse communiste française. Depuis Paris, il n’a de cesse de dénoncer les exactions du fascisme.

Il meurt prématurément de la tuberculose à l’âge de trente ans, sa santé ayant été fragilisée par la déportation. Il fut enterré au cimetière de Thiais puis exhumé en 2017 pour rejoindre le cimetière du Père Lachaise, avec tous les honneurs et la reconnaissance qui lui étaient dûs.

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L’histoire d’une vie

Boix nous a récemment réservé une autre belle surprise. 60 ans après sa mort, en 2013, trois boîtes de négatifs ont été retrouvées à Perpignan. Des superbes images du front de libération républicain de Lleida, ainsi que des photographies prisent à Barcelone avant la fin de la guerre. Son auteur, le jeune Boix les avait capturé dans les derniers mois du conflit et les avait fait passé en France et, dans son empressement de conserver ce témoignage graphique et historique, il les aurait caché dans une maison à Perpignan.

Sur une photo de Robert Capa datant de mars 1939, on voit une colonne de réfugiés républicains entre Argelès et Le Barcarès. On reconnaîtra le jeune Boix avec une valise, peut-être chargée de négatifs.

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